
le cinéma de françois
Je vous propose, pour cette analyse, de se pencher sur un film totalement hors normes : le « Rocky Horror Picture Show ». Une fois n'est pas coutume, je ne vais pas me pencher sur l'analyse du film en tant que tel mais plus sur l'analyse du phénomène : Comment un film aussi bizarre a-t-il réussi à devenir culte après son échec en salles lors de sa sortie ?
UN PETIT PEU D'HISTOIRE
Au commencement, le « RHPS » est une pièce de théâtre issue de l'imagination d'un certain Richard O'Brien, acteur neo-Zélandais. La pièce, mélange de comédie musicale et de théâtre traditionnel raconte les aventure d'un couple de jeunes mariés s'aventurant dans un château et y découvrant de bien curieux personnages au mœurs assez étranges… D'abord mise en scène à Londres ou elle remporte un immense succès, la pièce s'exporte aux États-Unis et le succès est là aussi monstrueux. Richard O'Brien décide alors d'adapter sa pièce à succès en film et en confie la réalisation à son ami Jim Sharman. Le film sort en 1975 et est un échec désastreux, rapportant la somme misérable (même à l'époque) de 450.000 dollars sur tout le territoire Américain.
POURQUOI CELA N'A PAS MARCHE ?
Le film a de nombreux problèmes : les effets spéciaux sont mauvais même pour l'époque, le scénario est incompréhensible et les références aux classiques de films d'horreur des années 50 (« l'homme invisible », « Frankenstein » et un tas de films de science fiction de l'époque) n'intéressent personne à une époque ou l'humour référentiel n'existe pas. Pour couronner le tout, la réalisation technique est désastreuse et le sujet à la gloire d'homosexualité et de travestis choquent les spectateurs les plus traditionnels. De nombreux spectateurs quittent la salle en plein milieu du film et celui-ci semble donc condamné à l'oubli définitif,
LA RESURRECTION
Néanmoins, les exploitants de salle constatent que de rares personnes restent jusqu’à la fin du film et qu'ils reviennent encore et encore revoir le « RHPS », Les cinémas réfléchissent alors et décident d'exploiter le film dans le réseau des « midnight movies » : la projection de films décalés (par leur thème ou leur qualité globale ) à minuit, une séance par semaine. Le film s'épanouit dans ce circuit et se constitue rapidement un public fidèle qui répond présent toutes les semaines. Pour accentuer le phénomène, le public commence à interagir dans la salle : il lance du riz sur l'écran lors d'une scène de mariage, arrose les autres spectateurs lorsqu'il pleut à l'écran et danse en chantant avec les personnages du film lors des scènes de comédie musicale. Ces séances peu orthodoxes vont attirer un public de curieux et les interactions dans la salle vont se multiplier et devenir de plus en plus sophistiquées : le public commence à se déguiser comme les personnages du film et va finir par recréer les scènes dans la salle en même temps qu'elles sont jouées dans le film. Aujourd'hui, en 2015, le film est toujours projeté régulièrement dans le monde entier et les séances sont toujours aussi déjantées. Le film a gagné le statut de « culte » et semble désormais avoir sa place dans le panthéon du cinéma.
COMMENT EST-CE POSSIBLE ?
Cette résurrection prouve premièrement que le film était beaucoup trop en avance sur son temps : son sujet déjanté et ses mélanges de genre n'était pas du goût de la grande majorité des spectateurs de 1975 mais depuis cette époque, l'évolution des mentalités à fait que le film ne choque plus personne et son humour référentiel est maintenant bien accepté tant par la critique que par le public, En gros, de film trop avant gardiste, il est devenu film soit « second degré » soit « délicieusement kitsh » ce qui en 1975, était un défaut pour les spectateurs traditionnels mais plus aujourd'hui, il suffit de voir les films « grindhouse » de Tarantino et leurs succès pour s'en convaincre.
Le deuxième point que l'on peut relever est que ce film est le précurseur du BUZZ : au-delà de ses qualités, il doit son succès à ses séances délirantes et le bouche à oreille que celles-ci ont entraîné : allez à une de ces séances (qui affichait souvent complet) était devenu « in » et tout le monde voulait voir le film à l'origine de ce phénomène. Le public s'est donc agrandi grâce aux « midnight movies », les producteurs ont eu tort de sortir ce film de manière traditionnelle et c'est le public du premier jour et les cinémas qui l'ont sauvé : voila qui en fait un authentique film culte car si il a obtenu ce statut, c'est malgré les producteurs qui ont failli faire couler le film. Heureusement que des irréductibles on réussi à renverser la vapeur car sans eux, on serait passé à côté d'un sacré film qui, malgré tous ses défauts, arrive à fasciner par son côté inimitable et dont le mot d'ordre « don't dream it – be it ! » n'a jamais semblé aussi vrai dans l'histoire du cinéma.
